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Impôt sur les sociétés, une course au moins-disant fiscal

impôt société

Temps de lecture : 5 minutes

Principaux résultats : En 2021, le taux médian d’imposition sur les sociétés s’élève à 21,5 % au sein de l’Union européenne. À l’exception de Malte et de la Lituanie, le taux d’imposition sur les sociétés a baissé dans tous les pays de l’UE entre 1995 et 2021. Les recettes liées à l’imposition sur les sociétés ont pourtant progressé dans 16 pays de l’Union européenne.

 

Le G7 s’est récemment félicité d’avoir trouvé un accord sur un niveau commun de taxation des entreprises multinationales à 15 %.[1] Cette initiative s’inscrit dans une démarche plus large d’harmonisation fiscale au niveau international en cours depuis plusieurs années. Celle-ci doit permettre de réduire les différences de taxation entre les pays afin de limiter les stratégies d’optimisation fiscale des entreprises multinationales, en particulier celles du numérique. Pourtant, au sein même de l’Union européenne il n’existe pas de niveau commun d’imposition sur les sociétés.

L’existence de l’impôt sur les sociétés s’appuie sur plusieurs fondements économiques.[2] Par exemple, il permet d’imposer les personnes dont la frontière entre revenu personnel et revenu de l’entreprise est floue. C’est le cas des dirigeants d’entreprise qui peuvent utiliser les revenus de l’entreprise pour accéder à des biens et services. L’imposition sur les entreprises doit également compenser le prix des biens et services dont elles jouissent et qui sont fournis par la société (par exemple, les infrastructures).

Il n’existe pas de consensus clair sur la question du juste niveau d’imposition qui devrait être appliqué. Si l’impôt sur les entreprises doit être suffisamment élevé pour répondre aux fondements économiques ci-dessus, un niveau trop élevé pourrait entraîner une diminution des investissements, une baisse du stock de capital, une hausse du rendement du capital et une baisse des salaires.[3]

Le taux d’imposition médian sur les sociétés au sein de l’Union européenne s’élève à 21,5 % en 2021 (Graphique 1). Le niveau d’impôt des sociétés le plus élevé d’Europe est à Malte (35 %), au Portugal (31,5 %), et en Lituanie (31 %). Au contraire, il est le plus faible en Bulgarie, en Hongrie, en Irlande et à Chypre où il est inférieur à 12,5 %. Entre le taux d’imposition le plus faible et le plus élevé, il existe un écart allant d’un à trois. La France a le 5e taux d’imposition des sociétés le plus important au sein de l’Union européenne.

Graphique 1 : Le taux d’imposition des sociétés varie d’un à trois

Taux légal d’imposition sur les sociétés, 2021

Note : La droite noire représente la médiane pour l’Union européenne.

Lecture : En 2021 en France, le taux légal d’imposition sur les sociétés est de 28,4 %.

Source : European DataLab, d’après European Commission, DG Taxation and Customs Union, Taxes in Europe database and IBFD data.

 

Entre 1995 et 2021, le taux d’imposition des sociétés a diminué dans tous les pays de l’Union européenne à l’exception de Malte et de la Lituanie (Graphique 2). Le niveau médian de cette diminution atteint -14,3 points de pourcentage. Cette baisse a été fortement marquée en Bulgarie, en Irlande et en Allemagne où elle est de -25 points de pourcentage au minimum. La France a suivi la même trajectoire avec une baisse plus modérée (-8,3 points de pourcentage).

La baisse du taux d’imposition constatée dans l’Union européenne est un phénomène ancien qui se retrouve dès les années 1980 dans la plupart des pays développés.[4] Celle-ci s’explique en partie par la concurrence croissante entre les pays créant une course au moins-disant fiscal.[5] En réduisant le taux d’imposition des sociétés, les pays espèrent attirer un maximum d’entreprises et créer de l’activité économique sur leur territoire.

Graphique 2 : Une baisse du taux d’imposition quasi généralisée

Variation du taux légal d’imposition sur les sociétés entre 1995 et 2021

Note : La droite noire représente la médiane pour l’Union européenne.

Lecture : Entre 1995 et 2021 en France, le taux légal d’imposition des sociétés a baissé de 8,3 points de pourcentage.

Source : European DataLab, d’après European Commission, DG Taxation and Customs Union, Taxes in Europe database and IBFD data.

 

La baisse du taux d’imposition des sociétés aurait pu entraîner une baisse des revenus issus de cet impôt, mais cela n’est pas le cas. Au contraire, les recettes liées à l’imposition sur les sociétés ont augmenté plus rapidement que le PIB pour 16 pays de l’Union européenne (Graphique 3). Le groupe de pays qui a connu une baisse des revenus issus de l’impôt sur les sociétés en % du PIB est composé principalement de pays d’Europe de l’Est, de l’Italie et du Luxembourg. Pour ces pays, les recettes tirées de l’impôt sur les sociétés ont progressé entre 1995 et 2019, mais d’une manière moins soutenue que la hausse du PIB.

L’évolution paradoxale du taux d’imposition des sociétés et des recettes tirées de cet impôt s’explique par l’élargissement de l’assiette fiscale.[6] L’assiette fiscale est le montant servant de base au calcul d’un impôt ou d’une taxe. Si le montant de cette base augmente plus fortement que la baisse du taux d’imposition, alors les recettes de cet impôt continuent à progresser. C’est ce qui semble être le cas pour l’impôt sur les sociétés.

Graphique 3 : Les recettes liées à l’imposition sur les sociétés augmentent

Revenu tiré de l’impôt sur les sociétés en % du PIB, 1995 et 2019

Note : Les revenus liés à l’impôt sur les sociétés comprennent les impôts sur les revenus ou les bénéfices des sociétés, y compris les gains de détention.

Lecture : En France, l’impôt sur les sociétés rapportait 2,8 % du PIB en 2019, contre 1,8 % en 1995.

Source : European DataLab, d’après Eurostat [gov_10a_taxag], consulté le 11/06/2020.

 
Focus sur les données :
Le taux d’imposition légal sur les entreprises est largement utilisé pour comparer le niveau d’imposition entre les pays. Il donne une information claire et facilement comparable entre les pays. Cependant, il peut être différent du taux réellement appliqué aux entreprises, car de nombreux facteurs peuvent influer celui-ci à la baisse ou à la hausse. La taille de l’entreprise, le secteur d’activité, l’assiette fiscale ou la mise en place de politique de soutien à certaines activités sont autant de facteurs susceptibles de faire évoluer le taux d’impôt sur les sociétés.
 
Pour aller plus loin :
●        Observatoire européen de la fiscalité
●        OCDE, Corporate Tax Statistics Database

[1] https://www.lemonde.fr/evasion-fiscale/article/2021/06/05/le-g7-finances-fait-un-pas-historique-vers-une-reforme-de-la-fiscalite-mondiale_6083004_4862750.html

[2] Devereux, M.P., & Sørensen P.B. (2006). The Corporate Income Tax: international trends and options for fundamental reform. European Economy – Economic Papers 2008 – 2015 n°264, Directorate General Economic and Financial Affairs (DG ECFIN), European Commission.

[3] Bastani, S., & Waldenström, D. (2020). How should capital be taxed? Journal of Economic Surveys, 34(4), 812–846. https://doi.org/10.1111/joes.12380

[4] Mankiw, N. G., Weinzierl, M., & Yagan, D. (2009). Optimal taxation in theory and practice. Journal of Economic Perspectives, 23(4), 147–174. https://doi.org/10.1257/jep.23.4.147

[5] Devereux, M. P., Lockwood, B., & Redoano, M. (2008). Do countries compete over corporate tax rates? Journal of Public Economics, 92(5–6), 1210–1235. https://doi.org/10.1016/j.jpubeco.2007.09.005

[6] Devereux, M. P., Griffith, R., & Klemm, A. (2002). Corporate income tax reforms and international tax competition. Economic Policy, 17(35), 449–495. https://doi.org/10.1111/1468-0327.00094

 
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