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Brève

La représentation politique en Union Européenne s’approche-t-elle de la parité femmes-hommes ?

parité

Temps de lecture : 7 minutes

Principaux résultats : Un élu sur trois des parlements nationaux est une femme dans les pays de l’Union européenne. En moyenne, la représentativité des femmes est la plus élevée au sein du parlement européen, suivi par les conseils municipaux puis les parlements nationaux. Depuis 2010, la part des femmes élues a progressé dans les trois instances de gouvernance étudiées, mais son amélioration est la plus forte au sein des parlements nationaux.

 

En 2020, la stratégie européenne en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes a été adoptée sous l’impulsion d’Ursula van der Leyen, première femme à présider la Commission Européenne.[1] Cette stratégie s’inscrit dans une longue démarche de réduction des inégalités de genre qui prend racine dès le traité de Rome[2]. Ces objectifs et stratégies se concrétisent-ils par une meilleure égalité de genre ?

Pour répondre à cette question, cette brève analyse la part des femmes siégeant dans 3 instances de gouvernance : le parlement européen, les parlements nationaux et les conseils municipaux. Ces indicateurs montrent la capacité des Etats européens à promouvoir l’égalité de genre pour des postes qui sont historiquement plus occupés par des hommes. De plus, la parité au sein des instances gouvernantes favorise l’adoption de lois sur des sujets qui touchent davantage les femmes[3], ce qui permet de diminuer les disparités de genre dans la société.

La parité au sein des parlements nationaux n’est atteinte dans aucun pays européen, bien que plusieurs Etats s’en approchent (Graphique 1). Les pays les plus paritaires sont les Etats d’Europe du Nord et de l’Ouest, le trio de tête en 2019 étant composé par la Suède (47 %), la Finlande (45,1 %) et l’Espagne (41,2 %). Au contraire, les Etats d’Europe de l’Est et du bassin méditerranéen présentent des niveaux de parité plus faibles en moyenne : par exemple la Hongrie (12,2%), Malte (14,9%) et Chypre (18,1%).

Entre 2010 et 2019, la représentativité des femmes s’est améliorée globalement. La proportion de femmes élues n’a reculé qu’en Croatie et aux Pays-Bas, et la moyenne européenne est passée de 24% à 31,5% de femmes parlementaires au cours de la dernière décennie. Globalement, les pays les plus paritaires en 2010 le sont restés en 2019, et s’il y a eu de fortes augmentations comme en France (17 points), l’ordre des Etats n’a pas été bouleversé.

Afin de favoriser la représentativité des femmes au sein des parlements nationaux, dix pays européens ont mis en place un système de quotas : la Grèce, la Croatie, la Slovénie, l’Irlande, la Pologne, l’Italie, la France, le Portugal, la Belgique, l’Espagne. Les systèmes de quotas sont difficilement comparables d’un pays à l’autre, car ils intègrent beaucoup de notions propres au système électoral et aux Etats (par exemple, la part des places réservées aux femmes sur les listes des partis candidats).[4] Par ailleurs, l’efficacité des quotas n’est pas démontrée puisque cette mesure semble avoir amélioré la représentativité des femmes en Italie[5], mais pas en Espagne[6].

Ces politiques favorisant la réduction des inégalités doivent permettre de réduire les freins à la représentation des femmes dans les instances gouvernantes. Au moins quatre facteurs ont été identifiés pour expliquer ces freins[7] :

  1. Le rôle de la compétition : les femmes peuvent être moins enclines à se présenter aux élections et à entrer en compétition avec des hommes, surtout pour occuper des positions qui sont historiquement réservées à ceux-ci.
  2. La réticence des électeurs : lorsqu’elles sont candidates, les électeurs sont moins enclins à voter pour des femmes car ils ont des biais négatifs sur leurs compétences pour adopter de meilleures politiques publiques.
  3. L’organisation au sein des partis politiques : elles occupent moins souvent les premières places dans les listes de scrutin.
  4. Les obstacles dits « institutionnels » : ils tiennent à l’organisation des élections et notamment au mode de scrutin. Par exemple, les élections proportionnelles favoriseraient l’élection des femmes par rapport aux élections majoritaires puisque ce mode de scrutin attribue plus de sièges aux partis remportant le plus de voix, et non aux candidats favoris de chaque circonscription.

Graphique 1 : Un parlementaire national sur trois est une femme

Proportion de femmes élues au parlement national (deux chambres), en 2010 et en 2019

Note : La droite bleue représente la moyenne pondérée pour l’Union européenne à 27 pays en 2010, et la droite noire pour 2019.

Lecture : En France, la proportion de femmes parlementaires est passée de 20% en 2010 à 37% en 2019.

Source : European DataLab, d’après European Institute for Gender Equality (EIGE) [LEAD 45], consulté le 29/06/2021.

 

En moyenne, le parlement européen est l’instance gouvernante avec la meilleure représentativité des femmes (+6,5 points de pourcentage par rapport aux parlements nationaux), suivi par les conseils municipaux (+6 points de pourcentage) puis les parlements nationaux (graphique 2). Toutefois, ce classement ne se retrouve pas dans tous les pays. C’est le cas en Belgique, à Chypre et en Bulgarie où la parité est mieux respectée pour le parlement national que dans les autres instances gouvernantes. Autre configuration, la parité est plus importante que pour les autres niveaux au sein des conseils municipaux en Estonie, en Lituanie, en Slovaquie et en Hongrie. Enfin, dans 13 Etats membres le niveau de parité est le plus élevé au sein du parlement européen, suivi par les parlements nationaux et les conseils municipaux (la Grèce, la Roumanie, l’Allemagne, le Portugal, le Danemark, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Autriche, l’Espagne, l’Irlande, la Suède, la Finlande).  

Graphique 2 : La part des femmes est la plus élevée dans le parlement européen

Proportion de femmes à chaque niveau relativement aux parlements nationaux, 2019

Note : La droite noire représente le parlement national, retenu comme référence de comparaison.

Lecture : En France, en 2019, la proportion de femmes par rapport au parlement européen était plus élevée de 10 points de pourcentages qu’au parlement national.

Source : European DataLab, d’après European Institute for Gender Equality (EIGE) [LEAD 44,45,49], consulté le 29/06/2021

 

A l’échelle de l’Union européenne, c’est au niveau des parlements nationaux que la représentativité des femmes a le plus progressé entre 2011 et 2019 (Graphique 3). Une amélioration de la représentativité des femmes est également constatée au sein du parlement européen et des conseils municipaux, mais elle est moins prononcée. Cela pourrait provenir en partie des niveaux initiaux de représentativité qui étaient plus bas pour les parlements nationaux (en 2011, 24,2% aux parlements nationaux, 26,3% aux conseils municipaux, et 34,8% au parlement européen), ce qui laissait davantage de marge de progression. Les autres facteurs explicatifs en jeu sont intriqués et peuvent concerner les différentes explications listées plus haut.

Graphique 3 : La représentativité des femmes a le plus progressé dans les parlements nationaux

Evolution de la proportion de femmes pour l’Union européenne par rapport à 2011

Note : La Croatie et la Roumanie ne sont pas inclus dans les pays de l’Union européenne en raison de données manquantes.

Lecture : Entre 2011 et 2019, la proportion de femmes a augmenté en moyenne de 5.4 points de pourcentage aux parlements nationaux.

Source : European DataLab, d’après European Institute for Gender Equality (EIGE) [LEAD 44,45,49], consulté le 29/06/2021

Focus sur les données :
Analyser la parité femmes-hommes au sein des instances gouvernantes peut être délicat, car les systèmes électoraux ou de nomination varient d’un Etat membre à l’autre. Ces différences peuvent expliquer une partie des écarts observés dans ce type d’analyse. Pour réduire au maximum le risque de biais, cette brève a retenu les instances gouvernantes qui sont les plus comparables entre elles et entre les pays européens.

[1] Cette stratégie stipule que « la Commission s’efforcera de parvenir à un équilibre hommes-femmes de 50 % à tous les niveaux de sa propre hiérarchie d’ici à la fin de 2024 ». La stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes : Vers une Union de l’égalité. Commission européenne. Communiqué de presse. Bruxelles, 05/03/2020. [consulté le 25 septembre 2021] Disponible en ligne :  https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_20_358

[2] L’article 119 du traité de Rome stipule que : « Chaque État membre assure au cours de la première étape, et maintient par la suite, l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail. »

[3] Schwindt-Bayer, L. A. (2006). Still Supermadres? Gender and the Policy Priorities of Latin American Legislators. American Journal of Political Science, 50(3), 570–585.

Mendelberg, T., Karpowitz, C. F., & Goedert, N. (2014). Does Descriptive Representation Facilitate Women’s Distinctive Voice? How Gender Composition and Decision Rules Affect Deliberation. American Journal of Political Science, 58(2), 291–306.

[4] Pour avoir un aperçu des types de quotas en Europe, voir : https://www.idea.int/data-tools/data/gender-quotas/database

[5] Bagues, Manuel et Pamela Campa. « Can gender quotas in candidate lists empower women? Evidence from a regression discontinuity design », Journal of public economics. 2021, vol.194. p. 104315.

[6] De Paola, Maria, Vincenzo Scoppa, et Rosetta Lombardo. « Can gender quotas break down negative stereotypes? Evidence from changes in electoral rules », Journal of public economics. 2010, vol.94 no 5. p. 344-353.

[7] Zohal H. et Lopes da Fonseca, M. (2020). « Female political representation and substantive effects on policies: A literature review », European Journal of Political Economy, 63, 101896


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