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Brève

La confiance dans la police en progression depuis 10 ans

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Temps de lecture : 6 minutes

Ces dernières années ont été marquées par des démonstrations de confiance et de défiance envers la police[1]. Cette défiance est préoccupante, car la police, qui garantit la sécurité et l’ordre public, a besoin de la confiance des citoyens pour mener à bien ses missions. Comment a évolué la confiance envers la police depuis 10 ans ? Existent-ils des facteurs associés à cette confiance ?

 

Pour mener pleinement ses missions, la police doit avoir un lien solide avec la population qu’elle protège. Ce lien repose en grande partie sur la confiance qu’ont les citoyens dans la police de leur pays. En cas de défiance trop forte, la police pourrait ne plus avoir la légitimité suffisante pour disposer de l’autorité dont elle a besoin pour contrôler et rétablir l’ordre public.

En 2018 à l’échelle de l’Europe, le niveau de confiance dans la police s’élevait à 6,4 sur une échelle allant de 0 (pas du tout confiance) à 10 (confiance totale) (Graphique 1). Les pays scandinaves présentaient le niveau de confiance le plus élevé des pays européens (7,0 pour la Norvège, 7,5 pour le Danemark, et 8,0 pour la Finlande). À l’opposé, les pays de l’Europe de l’Est se caractérisaient par un niveau de confiance plus faible que les autres pays. Pris en étau entre ces deux aires géographiques, la France (6,4) connaît un niveau de confiance dans la police proche de la médiane européenne (6,5) et de ses pays limitrophes comme la Belgique (6,5) ou l’Espagne (6,7).

La confiance dans la police a progressé en Europe entre 2008 et 2018 (Graphique 1). Cette amélioration se retrouve dans tous les pays, à l’exception de Chypre et de l’Irlande pour lesquels la confiance dans la police a diminué. Par ailleurs, elle a progressé plus fortement dans les pays dont le niveau était plus bas en 2007, comme c’était le cas en Europe de l’Est. Cela entraîne une convergence du niveau de confiance entre les pays européens.

Graphique 1 : La confiance dans la police progresse en Europe

Confiance dans la police sur une échelle allant de 0 (pas du tout confiance) à 10 (confiance totale), 2008 et 2018

Note : Europe 22 représente la médiane pour les pays représentés sur le graphique.

Lecture : En France en 2018, la confiance dans la police s’élevait à 6.5 sur une échelle allant de 0 à 10.

Source : European DataLab, d’après European Social Survey vagues 4 et 9.

 

La confiance des individus dans la police dépend d’une multitude de caractéristiques propres à chaque personne, comme le sexe, l’âge ou encore le niveau d’éducation. En effet, en raison de caractéristiques distinctes, deux individus peuvent avoir un niveau différent de confiance dans la police. Afin d’analyser les caractéristiques individuelles associées à un changement de niveau de confiance, il est nécessaire d’utiliser un modèle statistique permettant de mener une analyse dite « en toutes choses égales par ailleurs ». Cette approche permet d’étudier comment une caractéristique (par exemple l’âge) est associée au niveau de confiance dans la police tout en ayant toutes les autres caractéristiques du modèle constantes (par exemple même sexe, même niveau d’éducation, etc.)[2]. C’est ce qui est fait au niveau européen pour le Graphique 2.

D’après le graphique 2, le fait d’être âgé, d’être une femme ou d’avoir un niveau d’éducation élevé est associé à un niveau plus important de confiance dans la police. C’est également le cas pour les personnes qui sont nées en dehors de leur pays de résidence ou qui vivent dans une ville ou une petite ville. Enfin, le fait de ne pas avoir été agressé au cours des 5 années précédant l’enquête est aussi associé à une plus forte confiance dans la police.

Au contraire, les personnes déclarant avoir des difficultés financières, estimant vivre dans un quartier moins sûr, ou ayant le sentiment d’appartenir à un groupe minoritaire ont une confiance plus faible dans la police, toutes choses égales par ailleurs.

Graphique 2 : Certaines caractéristiques réduisent le niveau de confiance dans la police

Coefficients d’une régression linéaire au niveau individuel, Europe, 2018

Note : Ce graphique présente les résultats d’un modèle économétrique des Moindres Carrés Ordinaires ayant comme variable dépendante le niveau de confiance dans la police. La régression a été menée au niveau individuel et un effet fixe pays a été intégré. Tous les pays ont été mis ensemble et les observations ont été pondérées.

Lecture : En Europe en 2018, le fait d’être âgé de 65 ans ou plus était associé à une augmentation de 0.2 point du niveau de confiance dans la police.

Source : European DataLab, d’après European Social Survey vague 9.

 

L’approche utilisée pour le graphique 2 permet de prendre en compte les différences de composition de la population entre les pays dans l’explication du niveau de confiance dans la police. Cependant, même en prenant en compte ces différences de composition, les pays européens présentent des niveaux significativement différents les uns des autres. Ces écarts peuvent provenir de différences macroéconomiques entre les pays, comme le niveau de dépense nationale dans la sécurité ou le nombre de policiers par habitant. Pour analyser quelles variables macroéconomiques sont associées au niveau de confiance dans la police, un nouveau modèle statistique est utilisé.[3]

Le nombre d’homicides par habitant est la seule variable testée qui présente une association significative avec le niveau de confiance dans la police : plus le niveau d’homicides augmente, et plus le niveau de confiance diminue (Graphique 3). Le nombre de policiers par habitant ou le montant des dépenses de sécurité par policier n’est pas lié au niveau de confiance dans la police. C’est également le cas pour le niveau perception de la corruption.

Graphique 3 : Le nombre d’homicides par habitant est négativement associé à la confiance dans la police

Coefficients d’une régression linéaire au niveau des pays, Europe, 2008-2018

Note : Ce graphique présente les résultats d’un modèle économétrique des Moindres Carrés Ordinaires ayant comme variable dépendante le niveau de confiance dans la police. La régression a été faite au niveau des pays et un effet fixe année a été intégré.

Lecture : Le coût net de la contribution en France est estimé à 20,5€ par habitant, au taux de recyclage en 2017.

Source : European DataLab, d’après European Social Survey vagues 1 à 9, Transparency International et Eurostat.

 
Focus données et indicateurs :
Les données mobilisées pour cette brève reposent en grande partie sur l’enquête European Social Survey. Cette enquête européenne est conduite tous les deux ans depuis 2002 et interroge en moyenne 1900 personnes par pays. La question sur la confiance dans la police est formulée de la manière suivante :
Sur une note de 0 à 10, à quel point faites-vous personnellement confiance à la police ? 0 signifie que vous ne faites pas du tout confiance à la police et 10 signifie que vous avez une confiance totale.
 
Pour aller plus loin :
●        Alalehto, T., & Larsson, D. (2016). Measuring trust in the police by contextual and individual factors. International Journal of Law, Crime and Justice, 46, 31–42.
●        Kääriäinen, J. T. (2007). Trust in the police in 16 European countries: A multilevel analysis. European Journal of Criminology, 4(4), 409–435.
●        Nägel, C., & Vera, A. (2021). More Cops, Less Trust? Disentangling the Relationship between Police Numbers and Trust in the Police in the European Union. Policing: A Journal of Policy and Practice.

[1] https://www.lefigaro.fr/actualite-france/encensee-apres-l-attentat-de-charlie-hebdo-la-police-affronte-aujourd-hui-la-defiance-20200106

[2] Cette approche ne permet pas de mesurer une relation de causalité.

[3] À l’image du Graphique 2, les résultats présentés ne permettent pas de conclure à une relation de causalité.

 
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