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Brève

Les multiples formes de la fracture numérique européenne

fracture numérique

Temps de lecture : 5 minutes

À l’image des autres pays européens, la France entame un déconfinement progressif, pendant lequel une partie des employés ou continuera à travailler (voir Télétravail : oui, mais pour combien d’emplois et pour quels secteurs ?), à étudier ou à interagir à distance à l’aide d’outils numériques. Si l’usage des outils numériques semble généralisé sur le continent, tous les Européens ont-ils les capacités nécessaires pour mener à bien leurs activités ?

 

L’utilisation des outils numériques n’a jamais été aussi capitale qu’en cette période de confinement[1]. Pour autant, et malgré leur développement, tout le monde n’est pas en capacité de les utiliser. La fracture numérique désigne l’inégal accès des individus aux services numériques, et aux avantages qui en découlent. Elle peut revêtir différentes formes et être géographique, matérielle ou encore liée aux compétences des individus.

Neuf foyers sur dix ont accès à internet en 2019 en Europe (graphique 1). La majorité des Etats d’Europe de l’Ouest ainsi que Chypre et l’Estonie se situent au niveau de la médiane européenne ou à un niveau supérieur. La France se situe exactement au niveau de la médiane. La majorité des pays d’Europe de l’Est ainsi que le Portugal et l’Italie sont en dessous. Les Etats avec le plus faible nombre de foyers ayant accès au réseau se situent dans le sud-est du continent. Ce sont la Bulgarie (75 % des foyers), la Grèce (79 %) ainsi que la Croatie (81 %). Dans le même temps, en Islande, en Norvège, ou aux Pays-Bas, 98 % des foyers sont connectés à internet.

Graphique 1 : Un accès largement répandu sur le continent

Pourcentage des foyers ayant accès à internet, 2019

Note : La droite noire représente la médiane pour les pays européens présentés dans le graphique.

Lecture : En 2019, en France, 90 % des foyers ont accès à internet.

Source : European DataLab, d’après Eurostat [isoc_ci_in_h], consulté le 22/04/2020.

 

Avec le déploiement d’internet, les outils numériques sont devenus de plus en plus présents dans les vies personnelles et professionnelles. Si 90 % des foyers en Europe peuvent y accéder, son accès est-il démocratisé quel que soit le niveau de vie des habitants ?

Le graphique 2 représente l’accès à internet par Etat et par quartile de niveau de vie. L’écart entre le dernier et le premier quartile permet de mesurer le degré d’accessibilité d’internet en fonction des revenus. Ainsi plus cet écart est élevé moins les foyers aux revenus modestes y ont accès.
L’écart médian en 2019 est de 28 points de pourcentage en Europe. La répartition des Etats suit la même dichotomie Est-Ouest que pour le premier graphique. Cet écart est le plus important en Bulgarie (66 points), en Hongrie (51 points) et en Lituanie (42 points) et le plus faible en Suède (7 points), au Luxembourg (7 points), en Norvège (4 points) et aux Pays-Bas (4 points). La France se situe en dessous de la médiane avec 21 points d’écart. De nombreux facteurs peuvent expliquer ces écarts entre pays comme le niveau d’inégalité de revenu et le coût d’abonnement.

Graphique 2 : Un écart moyen de 28 points en Europe entre le 1er et le 4ème quartile de revenus

Part des foyers ayant accès à internet, par quartile de niveau de vie, 2019

Note : Europe 25 représente la médiane pour les Etats représentés dans le graphique.

Lecture : En 2019, en France, l’écart entre le 1er et le 4ème quartile  représente 21 points.

Source : European DataLab, d’après [isoc_ci_in_h], consulté le 22/04/2020.

 

Au-delà des écarts d’accès liés au revenu, les usages sur internet se complexifient et permettent d’accéder à de plus en plus de services. Cela demande à la population de s’adapter et de développer des compétences spécifiques alors que pouvoir accéder aux services numériques courant n’a jamais été aussi indispensable qu’aujourd’hui. L’absence de compétences numériques de base, comme de matériel, est d’ailleurs qualifié d’illectronisme ou illettrisme numérique.

Une étude (voir focus sur les données) a classé les compétences numériques générales en Europe. Il en ressort que près de 28 % des Européens ont de faibles compétences numériques en 2019 (graphique 3). La France se situe au-dessus de cette médiane avec 32 %. Les Etats les plus concernés sont la Roumanie, la Lettonie et Chypre, avec un peu plus de 4 habitants sur 10. À l’inverse, en Islande, aux Pays-Bas et en Norvège, moins de 2 habitants sur 10 sont concernés.

Graphique 3 : Près de 3 Européens sur 10 ont de faibles compétences numériques

Part des individus ayant de faibles compétences numériques, 2019

Note : La droite noire représente la médiane pour les pays représentés dans le graphique.

Lecture : En 2019 en France 32 % de la population avait de faibles capacités numériques.

Source : European DataLab, d’après Eurostat [isoc_sk_dskl_i], consulté le 20/04/2020.

 
Focus sur les données :
Les données et indicateurs de compétences numériques cités dans cette brève ont été conçus par Eurostat. L’indicateur est utile pour décrire et suivre les compétences numériques générales au fil du temps. Il est basé sur des indicateurs composites liés à l’utilisation d’internet ou de logiciels effectués par des personnes âgées de 16 à 74 ans dans quatre domaines spécifiques (information, communication, résolution de problèmes, compétences logicielles). Il est ainsi supposé que les personnes ayant effectué ces activités, comme avoir recherché des informations liées à la santé par exemple, savent le faire. 
Deux niveaux de compétences (“de base” et “au-dessus de base”) sont calculés pour chacune des quatre dimensions selon le nombre ou la complexité des activités réalisées. L’indicateur global des compétences numériques des individus est calculé sur ces bases (“pas de compétences”, “faibles compétences”, “compétences basiques” ou “au-dessus des compétences basiques”). Ainsi les individus ayant de “faibles compétences” sont ceux qui obtiennent entre une à trois « pas de compétences » dans les quatre domaines.
 
Pour aller plus loin :
●        European DataLab (2020), Télétravail : oui, mais pour combien d’emplois et pour quels secteurs ?, Brève.
●        INSEE (2019), Une personne sur six n’utilise pas Internet, plus d’un usager sur trois manque de compétences numériques de base, Insee Première, n°1780

[1] https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2020/04/04/plein-de-gens-ne-savent-pas-envoyer-un-e-mail-vous-imaginez-telecharger-une-attestation-la-fracture-numerique-aggravee-par-le-confinement_6035531_4497916.html

 
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