mlk,ml
Brève

Grève : un recours en baisse en Europe

grève

Temps de lecture : 5 minutes

La France connaît l’une des plus longues grèves de son histoire. Ce mouvement de contestation s’inscrit contre la réforme des retraites et touche une multitude de secteurs. La France est réputée pour recourir fréquemment à ce moyen de contestation, mais qu’en est-il vraiment ? Existe-t-il une spécificité à la française au sein de l’Europe ?

 

La grève fait partie des moyens de contestation au même titre que la manifestation, le boycott ou la signature de pétitions. À l’échelle de l’Union européenne, la grève est reconnue par l’article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne[1], et elle est définie par le Bureau International du Travail comme « un arrêt temporaire de travail déclenché par un ou des groupes de travailleurs en vue d’imposer ou de s’opposer à une exigence ou de formuler des doléances, ou de soutenir d’autres travailleurs dans leurs revendications ou doléances »[2].

Au niveau européen, le nombre médian de journées non travaillées au motif de grève s’élève à 13,5 jours pour 1000 employés durant la période 2010-2017 (Carte 1). Cependant, cela cache de profondes différences entre les pays. Chypre est le pays qui a eu le plus recours à la grève sur la période (316 jours pour 1000 employés). Cet État a connu d’importantes grèves lors de la renégociation des accords collectifs pour le secteur de la construction en 2013. La France arrive en deuxième position avec 125 jours de grève pour 1000 employés. Les grèves ont été particulièrement fortes durant la réforme des retraites de 2010 en France. La Belgique complète ce podium (96 jours de grève pour 1000 employés), notamment en raison d’importantes contestations portant sur les retraites (2011 et 2012) et les mesures d’austérité (2012 et 2014).

La grève n’est pas un moyen de contestation utilisé dans tous les pays européens. Dans l’ensemble, le recours à la grève est moins fréquent dans les pays d’Europe de l’Est que dans ceux d’Europe de l’Ouest. À titre d’exemple, la Lettonie, la Slovaquie et la Bulgarie n’ont connu aucun jour de grève sur la période 2010-2017[3].

Carte 1 : En Europe, 13,5 jours ne sont pas travaillés au motif de grève pour 1000 employés

Nombre de jours non travaillés au motif de grève pour 1000 employés, 2010-2017

Lecture : Les grèves ont représenté 125 jours non travaillés pour 1000 employés en France sur la période 2010-2017.

Source : European DataLab, d’après European Trade Union Institute.

 

Le recours à la grève a globalement diminué en Europe sur la période 2010-2017 par rapport à 2000-2009 (Carte 2). À l’échelle de l’Europe, une majorité de pays ont connu une diminution du nombre de jours non travaillés au motif de grève (13 pays sur 21). La baisse du nombre de jours de grève a été massive en Lettonie et Slovaquie où il n’y a eu aucun jour de grève en 2010-2017. L’Autriche connaît également une forte baisse : d’importantes grèves ont eu lieu en 2003 pour protester contre une réforme des retraites et une restructuration des chemins de fer, alors qu’il n’y a eu que très peu de jours de grève depuis 2010. La France s’inscrit dans cette dynamique, mais de manière beaucoup moins importante (baisse de 2 %).

Seulement 7 pays européens ont connu une augmentation du nombre de jours de grève entre 2000-2009 et 2010-2017. Chypre a connu la plus forte hausse avec une multiplication par 10 du nombre de jours de grève suite à la contestation de 2013 précédemment citée. L’Estonie a vu son nombre de jours de grève plus que doubler, en raison d’importantes contestations dans les secteurs de l’éducation et de la santé en 2012. Les autres pays de ce groupe ont connu une augmentation plus limitée : 63 % aux Pays-Bas, 38 % en Norvège, 37% en Belgique, 31 % en Allemagne, et 8 % au Portugal.

Carte 2 : La grève est de moins en moins utilisée au fil du temps

Variation du nombre de jours non travaillés au motif de grève entre 2000-2009 et 2010-2017

Lecture : Entre 2000-2009 et 2010-2017, le nombre de jours non travaillés au motif de grève a diminué de 2 % en France.

Source : European DataLab, d’après European Trade Union Institute.

 
Focus données et indicateurs
Les données utilisées dans cette brève proviennent de l’European Trade Union Institute (ETUI). L’ETUI a collecté les données depuis le Bureau International du Travail (BIT) qu’il a complété avec des données nationales quand cela était nécessaire. Par exemple, pour la France, les données du BIT n’intègrent que le secteur privé. Elles ont donc été complétées par des données nationales sur le secteur public.
Les données sur les jours non travaillés au motif de grève sous-estiment le nombre réel de journées non travaillées. Certaines grèves peuvent être exclues des statistiques si elles sont petites (c’est-à-dire courte dans le temps et avec peu de monde). De plus, certains bureaux statistiques ont fixé un seuil formel pour la collecte de données sur les actions revendicatives ou ne collectent délibérément pas de données sur certains types de grèves, comme les grèves générales ou les grèves dans certaines régions ou dans certains secteurs tels que le secteur public.
Le nombre de jours non travaillés au motif de grève est calculé en multipliant le nombre d’employés impliqués dans une grève par le nombre de jours de grève. Ce résultat est ensuite divisé par le nombre total de travailleurs dans une économie, puis multiplié par 1000 pour permettre des comparaisons internationales et dans le temps.
Plusieurs pays européens ne fournissent pas de données de sur le nombre de jours de grève ce qui explique le grand nombre de pays manquants (par exemple, Italie ou Grèce).
 
 Pour aller plus loin
European Trade Union Institute
Dribbusch, H., & Vandaele, K. (2016). Comparing official strike data in Europe – dealing with varieties of strike recording. 22(3), 413–418.
 

[1] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:12012P/TXT

[2] Bureau International du Travail (1993), Résolution concernant les statistiques des conflits du travail : grèves, lock-out et autres actions de revendication.

[3] Le droit de grève n’est pas reconnu dans le secteur public pour la Bulgarie et la Lettonie, et il est limité en Slovaquie.

 
Téléchargez l’article au format PDF :